Gloria Steinem raconte dans ces deux textes ce qui l'anime : l'écriture et l'activisme. I- Comment je suis devenue écrivaine - Pour la 1ere fois traduit en français. A 86 ans, Gloria Steinem est désormais une figure incontournable de l'histoire du fémi- nisme, mille fois récompensée pour son travail, elle est aussi le sujet du film, The Glorias, incarnée par Julianne Moore, et un des personnages principaux de la série America. Ce que l'on connait moins est sa conviction que l'écriture est son moyen d'action le plus puissant pour faire changer les mentalités et obtenir l'égalité entre femmes et hommes : « Trouver les mots qui permettront aux gens d'agir ensemble tout en appréciant leurs individualités respectives est sans doute la fonction la plus féministe et la plus profondément révolutionnaire de l'écrivain(e) » écrit-elle dans Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes (Texte pour la première fois traduit en fran- çais aux Éditions du Portrait - 2018-). Dans Comment je suis devenue écrivaine paru en 1965 dans Glamour, Gloria Steinem remonte le chemin qui l'a mené à comprendre que les mots, lorsqu'ils sont justes, participent à changer le monde pour le rendre plus égalitaire. Elle raconte son enfance passée dans une caravane, avec ses parents et sa soeur où ses seuls amis sont Wonder Woman, Autant en Emporte le Vent et Les 4 filles du docteur March. Sédentarisée, vers l'âge de 11 ans, elle suivra un excellent cursus et décroche le diplôme de sciences politiques à Smith College, l'une des seven sisters. Elle part alors en Inde, devient correspondante pour la presse et fondera plus tard Ms Magazine. L'écriture et l'activisme donnent le sens à sa vie et cela lui permet de signer des textes sensibles qui mettent à jour des constructions sociales à changer lorsqu'on rêve d'un monde plus juste. II- Suivi de Après le Black Power, la libération des femmes. Pour la 1ere fois traduit en français. Pour Gloria Steinem, le « sexisme est un racisme ». Dans ce texte paru dans le New York Magazine en 1971, elle établit des parallèles entre l'histoire du mouvement des femmes et celui des droits civiques. Les Afro-américains et les femmes partagent le fait d'être rabaissés, discriminés, réduits au statut de l'en- fant, ou de soutien à l'homme, de soutien à l'homme blanc. Ils partagent aussi une même dynamique dans leur mouvement d'émancipation : l'obtention de droit est toujours suivi d'un retour de bâton; l'obtention du droit de vote des Noirs est suivie par l'instauration des lois Jim Crow et de la ségrégation. Les femmes, depuis l'obtention du leur et de nouvelles libertés, sont plus oppressées. Les deux mouvements sont protéi- formés et divisés. Mais ces réalités n'ont pas empêché les concernés de se rassembler, de créer des alliances et de voir leurs luttes monter en puissance. Elle rappelle toutefois (comme James Baldwin et donc Eddie Glaude) qu'il faut impérativement recon- naitre les oppressions pour aller de l'avant.
Cet entretien se déroule à Saint Paul de Vence, un mois avant le décès de James Baldwin. Ce sont les derniers mots publiés de l'écrivain. Quincy Troupe connaissait l'état avancé du cancer de son ami. Ce contexte rend leur échange encore plus profond et essentiel. L'un et l'autre n'avait rien à perdre et ils le savaient. Quincy Troupe a su, peut- être, mieux que quiconque rendre compte du lien entre écriture et engagement, si cher à James Baldwin.
Troupe interroge Baldwin sur sa relation à Miles Davis. Il confie ressentir avec le mu- sicien une fraternité, un sentiment qui s'inscrit presque dans l'histoire des afro-améri- cains. Baldwin s'exprime aussi sur le travail de Le Roi Jones, Toni Morrison et Ralph Ellison. Ils abordent également la relation de l'auteur à la France comme la remise de sa légion d'honneur par François Mitterand.
Dans cet entretien, Baldwin continue de mettre des mots sur la façon dont l'Amérique met au banc de la société la communauté noire et de défendre, malgré tout, la nécessité d'adopter un comportement de solidarité entre tous. Il insiste sur le pouvoir que cha- cun possède pour changer le cours des choses.
Pouvait-on rêver meilleur texte pour accompagner Ici recommence l'Amérique, conseils de James Baldwin - à suivre d'urgence d'Eddie S. Glaude Jr, qui, sans surprise, se réfère aussi à Quincy Troupe dans son livre.